Ci-gît la rose

La rose est le lieu de la lutte buttée par laquelle la beauté s’est longtemps préservée des âpres propretés de la bêtise humaine, humiliant de la main qui manie la cisaille tout ce qu’il est permis de présumer pure, et de celle qui manie l’appareil à selfie, tout ce qu’elle s’approprie. Le parterre où, piqué par l’épine, perle des peaux percluses le collier coulant cassé de perles vermeilles, qui en cristallisant cachette son pêché. Répugnante et ridée par le raide et rapide, où coule sève et sang sans once de remord. Là, la rose rossée, rasée, déracinée perd progressivement chacune de ses pétales. Mise sur un piédestal comme s’il n’y en avait qu’une, chaque rose sans lacune est punie d’être belle. Sans un regard aimable, elle meurt folle et liée à force d'asphyxies.  Et pourtant, « reviens ! » dis la précieuse, malgré ce qu’elle endure. Elle ferait, pour revoir l’iris du bimane encore une fois rougi par sa robe écarlate, scier ses coutelas. « Reviens mon aventure à ce teint rosacé qu’envient les vierges folles aux genoux trop fardés. Viens revoir la rosée de l’aube printanière où le soleil verdoie sur l’herbe chlorophylle car notre chrono file. Bientôt sera la nuit ; tes yeux comme la rose ­– huit fois close et déclose ­– ne sauraient souffrir une neuvième agonie. Viens raviver le cœur de la veuve nouvelle, puiser à mon nectar de quoi battre le soir à ce jeu de hasard qu’il prénomme la mort. Pardon, dit l'empotée à l’oreille réjouie ratissant de sa faux un bouton humecté de rosée, étonné d'être aussi malmené par le nez qui jadis l'humait et, peut-être, l'aimait ; partons, dira encore le bouton déporté en pot pourri indéfiniment, mais encore et toujours partante pour un dernier tour d'appartement. » Avant, la rose et le poète étaient amis. Il lui chantait ses mélodies, lui dédiait tous ses rondos. En temps de peine comme en joie, elle était là. La mignonne était son alibi quand il allait aux roses. Et pourtant, nul ne sait s’il viendra voir si elle a refleuri pour lui ou pousser plus avant sa géhenne en éden ; nul ne sait qui saura faire oublier celui qui, à trop butiner, l’a surplantée sans gloire. Elle ne distingue rien des signes qu’il l’amène mais, buttée, elle attend qu’il apprenne à la prendre comme tel, le cœur empoussiéré mais les yeux vers le ciel. 

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