Pourquoi les poètes marchent volontiers vers le nord

Le poète est au nord car le sud est en feu, le penseur est au nord car les tropiques brûlent. Il chante les nuits écarlates au saut du lit car il ne peut qu’en rêver ; s’en va vadrouiller dans les parcs enneigés, et une fois rentré, casqué, botté contre l’effroi, à son chevet, écrit dans une chambre chauffée sur la beauté de la nature et la brûlure du froid ; sur ces flammes qui embrasent nos veuves ébènes et nos orphelins noirs de famine. Mais les poètes sont au nord, endurant le froid de l’hiver pour rêver des bras de leurs femmes qui, quand elles sont à leurs côtés, n’allument rien de plus en eux qu’une immense envie de manque et de muses pareilles à nos zelles[1] réelles. Mais poète, ne change rien. Assurément, des mots comme ceux-là ne viennent pas d'un cœur sain mais bien d'un foie malade. Ils te diront, tes détracteurs : "laisse tomber la poésie." Tu répondras qu'il est cinq heures et tu grattes mieux que jamais ; que tu pourrais mourir à sept tout en ne regrettant rien. Et le jour tu diras "banque !", si par malheur cela t'arrive, regarde-les. Tu ne vois rien, exactement ! Tu passeras peut-être avant, avant que d'être bankable. Mais souviens toi : les bons auteurs ne sont pas nécessairement morts ; il est juste aussi long de juger un bel oeuvre que pénible de le déterrer.




[1] Demoizelles

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