Colonisation : danse macabre
On est toujours
prompt à voir dans le malheur des autres la main de dieu quand ce qui doit-être
vu dans le malheur des autres est la bêtise humaine. L’adulte que je suis
pardonne à qui l’a offensé car il en a été instruit mais l’enfant que j’étais
n’a jamais oublié que la justice céleste est aussi invisible que celui qui en
est le tenant et que les hommes doivent être seuls garants du respect de leur
droits et protecteurs de leur dignité, aussi ronflant que ces termes puissent être,
tant les notions de liberté et de dignité échappent aux humains que nous sommes,
parce que notre système de penser est corrompu et que les mauvaises sociétés ne
font pas de bons hommes.
Nous avons eu tort
de nous laisser corrompre avec du sel, nous avons eu tort d’accepter les
fusils, de rechercher la puissance militaire. Nous avons eu tort d’ouvrir nos
maisons et nos frontières, et par-dessus tout d’acquiescer et nous exécuter
quand ils ont dit « prions ! ». Les yeux fermés, les ventres
vides et à genoux, ne sachant qui vient après nous ou pour nos frères, ce
qu’ils en font, ils ont ôté de nous en toute sérénité le plus cher. Nous avons
ouvert nos villages aux békés, maintenant nous souffrons de leurs péchés. Nous
avons payé leur dette quand c’est nous qui nous sommes faits pillés. Tout leur
argent est de papier, tous leurs billets de la confiance qu’on leur prête ;
nous pouvons être sans. Nous savons pourtant depuis Césaire que « le
maitre blanc ment » et que « blanc » ce n’est pas une affaire de
couleur mais de mentalité, mais ne l’avons pas assimilé. Ils n’ont pas à
s’efforcer d’être ce que nous sommes. Nous si. Ils nous ont pillé la musique,
les terres, les hommes, paient des fortunes pour bronzer sous nos tropiques,
gonfler leurs lèvres et leurs fessiers ; pour nous ressembler en somme.
Levez la main si
vous aussi on vous a haï pour votre poitrine généreuse, traité votre peau de
sale, mis la main dans vos cheveux en s’en moquant. Levez la main vous qui vous
lissez pour paraitre aussi plates aussi rêches que ces filles qui ressemblent à
des hommes et qui veulent le devenir, être traitées comme tel, mais qui rêvent
en secret d’être pareilles à vous. « Nos valeurs sont archaïques !? »
Alors pourquoi courent-ils après nos femmes ? « Le noir c’est bête et
paresseux !? » Pourquoi crient-elles après nos hommes ? Pourquoi
couchent-ils avec nos femmes et tuent les fruits de ces unions ? Pourquoi
y a-t-il des africains-américains ? pourquoi les métis se croient
blancs ? Ils disent haïr le métissage pourtant nous sommes là, parmi eux.
Ils n’ont pas détruit toutes les preuves. Ils dénigrent nos cultures quand
c’est eux les ont entachés. Levez la main si vous pensez que le pagne est
africain, et, puisque vous avez la main tendue, rendez-vous service :
ouvrez un livre d’histoire. Oh ! Attendez ! Nous sommes effacés des
manuels. Si j’ignore tout de notre traite, pourquoi sais-je leurs guerres
mondiales ? « Mondiale » disent-ils, mais qui sont les auteurs
de ces guerres ? qui les a remportées pourtant ? Dans l’ordre :
eux les ont construites et pourtant nous les avons remportées ! On
est toujours prompt à voir dans le malheur des autres la main de dieu et dans
celle du blanc un miracle. Il y a des fils, et nous au bout, nous agitons.
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