Tentent-ils d'étouffer notre art ?



"Ils tentent d’étouffer notre art" ? Faut être honnête ; on est trop bêtes.
Retourner des casquettes, c’est à ça que notre art se prête.
À sortir beurrés des bars le soir, à dealer, à croire
Que rien n’est possible à part finir sa vie au mitard
Pour un Noir qui ne pense qu’avec son slibard,
Danse et défouraille à tour de bras,
Guette et court les blondes et les beurettes,
Mais tèj sa blackette honnête,
Parce que sa tête ne se rapporte pas à sa corvette.

Affalés dans un sofa à se taper des barres, tirer des taffes, donner des baffes,
C’est la place du Noir ! Car sa vie c’est le rap et le rappeur gangsta, il
Passe ses nuits à jurer sur la main de fatma qu’il
Sert le trois fois saint cependant qu’il compte et kill
Dès qu’il a dans le sang cinq cent kils de colle liquide.
Mais quid des triple C et des disques d’or
Si les rappeurs morts font les meilleurs MC,

La folie est le chemin des immortels.
Dans la vraie vie les batteurs se ramassent à la pelle,
Les homies se défouraillent dans les bordels
Et les mamies se serrent dans les culs des ruelles.

Si le rap est un art mineur, une sous culture
Dont les amateurs ne sont bons qu’à bruler des voitures,
Les sons s’écrivent en tablature, à la dure,
Et se disent en décibel ; si par nature le Nègre est pur,

Autrement-dit le Nègre est con,
Si « no future » est le crédo de nos générations,
Grandir sans père une oblation,
Ne voir sa mère à la maison que tard le soir,
Que faire d’être Noir ?

Chez nous c’est toujours nuit debout, on tire des oinjs
Les berretas enjoues ; c’est jour de neige
Sans Elsa : parce qu’aucun flic ne nous protège
"Vertige en nous," les keufs nous tirent comme au manège

De vrais bêtas, avoue, ses cliques, ses gangs !
Des petits démons qui jouent à chat dans la cours des grands.
Chaque matin je prie le ciel, merde le ciel !
J’essaie juste de ne pas rater l’essentiel.

Je suis non binaire mais mon drapeau n’est pas un arc-en-ciel.
La vie sur terre est parfois démentielle.
Même si le rap n’a pas que ça, qu’on nait Noir, pas sale,
Pas sapeur ou pas sans papiers, on a échoué

Car même quand la musique est bonne les paroles me font bader.
Le rap est homophobe : les pédés s’y font douiller.
Notre nom est légion, car on est des millions humiliés,
Des oubliés non assistés de nos cités.

Pourquoi vous nous insultez ?
Mais il faut laisser passer celui qui parle mal :
Nul avenir n’appartient à tel gentleman.

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