Beyonce : De la déformation des icônes par l'image



J’ai honte de nous en tant que communauté ; qui sommes si désespérés de reconnaissance et d’attention que nous ne savons même plus distinguer un coup marketing d’une véritable prise de position. Qu’est-il arrivé à la New-Orléans ? Ce n’est pas en écoutant le nouveau clip de Beyonce que nous le saurons. Nous n’aurons aucune contextualisation, aucune explication, aucune main tendue et aucun réconfort. Juste la reprise de slogans que nous avons créés et l’image dégradée, à moitié dénudée de nos fières panthères. Qu’y voyez-vous ? Des soldats ou des prostituées ? Un « féminisme cool » ou une nouvelle objectification du corps de la femme noire à une seule fin : nous faire savoir que Beyonce déchire, car il s’agit bien de Beyonce de A à Z, de sa fille au demeurant charmante, et de son mari plein aux as. Ces deux éléments n’étant en rien un problème en soi. Beyonce « gon be alright », son mari « gon be alright » et sa fille « gon be alright », et c’est tant mieux.
J’entends encore le puissant Wu Tang chanter « A better tomorrow » et sa voie tomber dans d’oreilles sourdes. J’entends encore la foule scander les paroles de Kendrick Lamar devant une police impuissante. J’entends Luppe Fiasco chanter « Bitch bad » et « We’re not nigga » ; « God makes us better than that » et Lamar lui répondre « That’s why we have to love one another ». J’entends Tech Nine crier à Dieu pour notre sort, et j’entends Beyonce dire qu’elle déchire.
Beyonce déchire – soit – et sa performance est très belle mais au fond que raconte-t-elle :

When he fuck me good I take his ass to Red Lobster, cause I slayWhen he fuck me good I take his ass to Red Lobster, cause I slayIf he hit it right, I might take him on a flight on my chopper, cause I slayDrop him off at the mall, let him buy some J's, let him shop up, cause I slay”

Qui au juste doit on déchirer si ce n’est le voile de notre ignorance, tendu sur nous par la société qui refuse de voir en face l’oppression qu’elle nous fait subir. L’avenir est sombre si c’est là notre seul héritage. Ça ne l’est guère : nous aurons toujours le Wu Tang et les Black Panthers, Lamar, Luppe, Hopsin, Tech Nine ; Malcom x et Martin Lutter King. La fierté noire ne s’exhibe pas moitié nue sur internet. La fierté noire ne baise pas pour un Red Lobster ; elle ne s’échange pas contre un tour en hélicoptère. La fierté noire est à construire ; non en dansant mais en pensant. La fierté noire, nous la feront, nous la serons.

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